Table ronde avec Delphine Batho ( députée des Deux-Sèvres, présidente de Génération Ecologie), Clara Jamart, (responsable des campagnes Forêt, agriculture et alimentation pour Greenpeace), Thomas Pizer et le chef Almir Surui ( en visio-conférence depuis le Brésil) dans le cadre des journées d’été des écologistes, le 22.08.2020 à Paris.
Invité exceptionnel des Journées d’été des écologistes, Almir Narayamoga Suruí est le leader des indiens Paiter Suruí dans l’État du Rondonià, au nord-ouest du Brésil. Il est né en 1974, cinq ans après la visite du premier citadin sur ce territoire. En 2008, la Société Internationale des Droits de l’Homme lui remet le Prix des Droits de l’Homme pour son combat de longue date contre l’abattage illégal au sein de la forêt Amazonienne. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands activistes autochtones d’Amérique du Sud. Défendre la forêt c’est risquer sa vie. La forêt n’est pas seule en danger, les assassinats de militants écologistes et de figures des peuples autochtones se font de plus en plus fréquents. Almir Suruí a été victime de nombreuses menaces de mort. Au cours de cet atelier, il témoignera des pressions qu’il subit. En 2018, ce sont 48 militants écologistes qui ont été assassinés au Brésil à l’image de Rosane Santiago Silveira, militante des droits de l’environnement et des droits humains qui a été brutalement torturée et assassinée dans la ville de Nova Viçosa, au Brésil, le 29 janvier 2019. C’est un massacre qui se déroule sous nos yeux et pourtant, la communauté internationale reste impassible. Le combat continue pour Almir Suruí, contre le déboisement et pour la préservation de cette forêt, vieille de plus de 55 millions d’années qui s’étend sur plus de 5 500 000 km2 et abrite 25% de la biodiversité mondiale. Sa dense canopée la rend indispensable à la régulation planétaire du climat, elle participe au stockage du dioxyde de carbone
atmosphérique et l’évapotranspiration des arbres qui la composent est essentiel au bon fonctionnement du cycle de l’eau. Les incendies de 2019 ont choqué le monde entier et pourtant cette année encore les feux sont violents, les foyers nombreux.
Le Brésil a connu son pire mois de juin depuis 13 ans pour les feux de forêt, des incendies souvent provoqués par des agriculteurs pratiquant le brûlis pour fertiliser les sols. Suite aux feux de forêt de 2019, la communauté internationale s’était émue de ces espaces partis en fumée. Aujourd’hui, ce sont les investisseurs privés d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Sud qui menacent de retirer leurs investissements si une réduction de la déforestation n’est pas constatée. Dans un moment où le Brésil aura plus que jamais besoin de devises pour relancer une économie sinistrée par le coronavirus, cette menace peut peser lourd dans la balance. Pourtant aujourd’hui, Le président Jair Bolsonaro n’a développé aucun plan concret ni aucun budget en ce sens. Le constat est celui d’une augmentation de la déforestation avec un record au premier semestre : 25% supérieure aux six premiers mois de l’année dernière. La forêt Amazonienne a déjà perdu plus de 16 % de sa végétation originelle or, si la déforestation atteignait 20-25 %, nous pourrions atteindre un point de non-retour à partir duquel la forêt se transformerait en savane » selon Carlos Nobre.
Le coordinateur de Greenpeace au Brésil, Marcio Astrini, s’inquiète : «Le monde a changé, mais le gouvernement Bolsonaro continue de nager à contre-courant». La forêt cristallise les conflits : les modes de vie respectueux de la nature font face à ceux qui, avançant à marche forcée avec pour seul objectif le profit, la détruisent. Ces conflits sont symptomatiques d’un conflit plus large : les terriens se défendent contre les destructeurs.
Cet atelier donne également la parole aux associations qui militent pour faire entendre ces voix en Europe. Thomas Pizer, artiste Suisse, ancien délégué du Comité International de la Croix Rouge est le fondateur de l’association Aquaverde, il s’est mis au service des peuples autochtones d’Amazonie, et est aujourd’hui reconnu par ceux-ci au Brésil comme « passeur » inter-culturel. Il assure lors de cet Atelier la traduction et partage son expérience.